Il faut savoir tourner la page et inventer de nouvelles histoires. C’est la raison pour laquelle l’équipe de Tous urbains – la revue a été créée en 2012 – a décidé 3 à l’automne 2019 de mettre un terme à une « première série » de numéros et de passer le relais à un autre collectif. En ce qui concerne le dernier numéro de cette première série, celui que vous tenez entre vos mains, l’idée était que les rédacteurs s’interrogent sous la forme d’un article (et non pas, comme d’habitude, sous celle d’un éditorial) sur les changements notoires observés dans l’univers de l’urbain tout au long de ces huit années.
Mais comment tourner simplement la page et se pencher sur notre parcours sans prendre en compte aujourd’hui, en ce début du mois de juin 2020, l’imprévisible, à savoir le virus qui, n’en finissant toujours pas de faire son tour du monde, nous a confinés dans des espaces fort différents ? Les rédacteurs ont relevé le défi, chacun à sa manière et sans autre contrainte que celle de produire dans un moment de grande inquiétude et de solitude. Chacun d’entre nous a donc pris en considération une période plus ou moins longue qui pouvait bien sûr excéder les années du premier cycle de Tous urbains et envisager des ruptures beaucoup plus en amont. Si le virus a attisé la réflexion, il n’a pas remis en cause ce qui est énoncé dans la charte de la revue, rédigée pour le premier numéro de Tous urbains et qui conserve tout son sens. Comme celle-ci insistait sur le paradoxe d’une « mondialisation urbaine en mal d’urbanité », le virus a confirmé que cette focalisation de la mondialisation sur l’urbanisation (et pas uniquement sur les échanges économiques) n’était pas une erreur d’aiguillage ou une déformation professionnelle. On ne sera donc pas surpris de lire des contributions qui cherchent à configurer les dimensions actuelles de la mondialisation urbaine et qui invitent du même coup à se pencher sur les conditions de l’habitabilité et de la citoyenneté.
Après ce « dossier » substantiel, le numéro s’achève par un rappel des sommaires depuis le début de la revue ainsi qu’un classement des éditos par auteur, préparés et présentés par Ky-Anne Dalix qui, ayant rejoint la revue récemment, porte un regard neuf sur une histoire commencée sept ans plus tôt.
Pour le reste, comme nous bouclons ce numéro alors que des villes américaines s’embrasent contre les violences policières visant les Afro-Américains, rappelons que polis et démocratie vont de pair et que la ville est un espace singulier dont on attend qu’il pacifie la violence au profit d’un vivre ensemble citoyen. Que l’on se tourne du côté de l’Europe ou des émergents, l’équipe qui animera la deuxième série de Tous urbains aura de ce point de vue bien du pain sur la planche. Mais il n’y avait pas besoin de ce satané virus mondialisé pour le deviner…
Jacques Donzelot, Olivier Mongin et Philippe Panerai 1er juin 2020