Entre présidentielle et législatives, ce numéro ne saurait ignorer la situation économique et sociale qui caractérise la société française tiraillée entre des aspirations contradictoires d’ouverture et de repli, d’autosatisfaction et d’angoisses. La longue période électorale que nous venons de vivre avec ses surprises à répétition marque sans aucun doute la fin d’une époque. Celle qui, du choc pétrolier à l’élection de Donald Trump, a succédé aux Trente Glorieuses, et pour laquelle nous n’avons pas encore trouvé de nom. Alors aujourd’hui, doute ou fin des illusions ? Que faire face à la montée inexorable d’une globalisation dont le cynisme et la brutalité apparaissent davantage que les bienfaits ? Quel crédit accorder à l’émergence d’une conscience environnementale souvent devenue un simple argument de vente ?
Espoir de changement ou dépression post-électorale ? Et voici que la dernière livraison de la revue Marnes, achetée pour un article sur la place des Vosges comme archétype du grand ensemble, détourne mes réflexions vers un sujet inattendu : les villes de l’après-pétrole. Ne croyez pas, chers lecteurs, à une conversion tardive à une écologie politique qui entraînerait Tous urbains dans un militantisme bien-pensant… Les démonstrations des scientifiques sur le temps qu’il faudra pour épuiser les énergies fossiles, je dois l’avouer, m’échappent un peu, de même que notre capacité à trouver à temps des solutions alternatives. Mais se défier des présupposés que dénonce Dennis Meadows, l’auteur du premier article de la revue, m’a semblé curieusement faire écho au sujet du dossier en nous invitant à ne pas prendre comme évident ce que l’on nous propose si souvent avec assurance. J’y retrouve ce qui anime Tous urbains depuis ses origines : d’abord observer en dehors des schémas établis et des explications toutes faites en accordant aux faits urbains une importance première, puis questionner ces faits en associant examens de cas concrets et comparaisons à l’échelle mondiale, enfin militer pour retrouver dans des conditions nouvelles l’esprit de la citée et de la démocratie. Mais au fond, comment penser l’avenir, lucidement, modestement?
Prenons (presque) au hasard trois de ces présupposés : l’énergie va continuer d’être facile et bon marché ; les réserves de pétrole commencent (juste) à s’épuiser et les énergies renouvelables viendront prendre le relais ; notre mode de vie se maintiendra, voire même s’améliorera. Peu importe que ce soit pour demain matin comme le suggère Dennis Meadows, ou plus tard, peu importe même s’il se trompe sur un point ou deux, nous pouvons simplement essayer de penser l’habitat, le travail et la ville en inversant ces présupposés.
C’est en partie, mais avec un autre point de vue, ce que propose le dossier consacré au prix du sol. Il nous rappelle l’importance du foncier et en profite pour dénoncer quelques idées reçues généralement présentées comme des données irréfutables par les urbanistes ou les élus, comme par exemple : «densifier permet de baisser la charge foncière.» C’est là qu’il rencontre l’article de Marnes : ne pas se satisfaire des explications habituelles. Restera pour un futur numéro à croiser les données économiques du foncier avec celles de l’énergie…
Pour le reste, vous y retrouverez vos rubriques habituelles. Les éditos s’ouvrent par une évocation de Marseille, seconde ville de France, dont les réactions toujours singulières démentent les prédictions. Elle fait écho à l’entretien dans lequel Jean-Michel Guénod, ancien patron d’Euromed, nous parle de la naissance du projet et de ses effets sur la ville et la métropole. Mais vous croiserez aussi Rabat, Tahiti, Paris, avec Anne Chaperon, éditorialiste invitée. Un regard critique et quelques télégrammes.
Autour de la revue, plusieurs rencontres ont accompagné la sortie des numéros, à la Maison de l’architecture en mars et en mai, à la librairie Le Genre urbain en mai également. D’autres sont prévues à la rentrée. D’ici là, bonnes vacances et découvertes passionnantes pour alimenter la réflexion sur les villes et la condition urbaine.