A la suite de la mobilisation sociale autour des « gilets jaunes » en France, il est devenu courant d’opposer les territoires métropolitains des territoires non-métropolitains.  Les premiers accueillant l’essentiel du développement économique au détriment des seconds.  D’où la question qui mobilise l’enquête présente : Est-ce que cette opposition entre deux catégories de territoires se retrouve au-delà de l’hexagone et plus précisément dans un régime fédéral ?

Il est certain que le terme « métropole » est devenu courant depuis que la loi Maptam (2014) et plus tard la loi NOTRe (2015) ont affirmé leur institutionnalisation.  Les professionnels de l’aménagement, les élus, les chercheurs et les médias sont en effet d’accord pour dire que la « métropole fonctionnelle » aurait cédé sa place à la « métropole institutionnelle » dotée d’un Conseil de métropole ayant une légitimité politique. Dans un régime fédéral comme celui des Etats-Unis où il n’y a pas de loi issue de l’État fédéral pour instituer la métropole, un nombre limité de métropoles sont véritablement dotées d’un Conseil métropolitain à l’instar Portland (Oregon) et de Minneapolis-St Paul (Minnesota).  Là-bas,  l’initiative vient de l’État fédéré.

La mise en institution deux métropoles : Lyon et Minneapolis St Paul (MSP)

Si l’on prend deux métropoles, Lyon (France) et MSP (Minnesota, Etats-Unis) relevant de la catégorie ‘villes secondes’ – – désignant les ‘villes de flux’ (Mongin) ancrées dans la mondialisation mais non inscrites dans la catégorie des villes-monde – -, on constate le décalage entre le périmètre du territoire métropolitain ayant une légitimité politique et celui de leurs aires urbaines respectives.  Les données cartographiées sont issues des études de l’Agence nationale Insee  et de l’Agence fédérale Census Bureau.

Observer les deux cartes permet de constater que dans les deux cas, le périmètre du territoire métropolitain ayant une valeur politique est plus restreint que celui de   l’aire urbaine.  L’aire urbaine de Lyon compte 2,5 millions d’habitants mais la métropole n’inclut que 1,4 millions.  L’aire urbaine de MSP compte 3,5 millions (avec deux comtés situés dans le Wisconsin, soit en dehors du Minnesota)  contre 3 millions pour la métropole institutionnalisée.

En France, ce décalage entre l’aire urbaine et la métropole suscite des critiques voire une polémique : il autorise en effet les habitants et les élus des territoires adjacents à la métropole de revendiquer leur participation à la prise de décisions au sujet des investissements et des infrastructures qui après tout pourraient les concerner.  Aussi nombreux sont ceux qui pensent qu’à Lyon  les responsables de la métropole doivent œuvrer avec les territoires voisins au travers notamment de l’outil « pôle métropolitain ».

Le pôle métropolitain (2 millions d’habitants) a le statut d’un établissement public (constitué par des accords entre établissements publics de coopération intercommunale) et a pour objectif d’améliorer la compétitivité et l’attractivité de son territoire, ainsi que son aménagement.  Il a la compétence de définir l’  « intérêt métropolitain » en matière de développement économique, de la recherche et de l’enseignement supérieur.

A  MSP, ce décalage ne fait pas vraiment l’objet d’une polémique.  Le territoire métropolitain y est plus vaste que celui de Lyon dans la mesure où il englobe également des territoires ruraux.  Quant aux territoires adjacents (extérieurs au territoire du Conseil métropolitain), ils sont principalement ruraux et ne déploient pas une  richesse (historique) équivalente à celle observée autour de Lyon.  Pour illustrer le propos, on peut dire que MSP ne dispose pas l’équivalent d’une ville comme St Etienne dont le rayonnement industriel fut majeur au tournant du 20ème siècle.

D’où l’intérêt de différencier au niveau du vocabulaire la trajectoire d’une métropole française inscrite dans un régime centralisé dont l’histoire du territoire national s’inscrit dans la « longue durée » de celle d’une métropole made in USA où le territoire national est tout compte fait assez récent.

Désigner différemment la métropole ancrée dans un territoire historique d’une métropole made in USA

 

Je propose d’opter pour l’expression  « ville métropolitaine » quand il s’agit de désigner la métropole de Lyon, ce qui permet de différencier les enjeux politiques et territoriaux auxquels elle fait face de ceux de la métropole MSP.  Le choix en faveur de la « ville métropolitaine » relève de trois raisons :

  • Il rappelle l’influence et le rôle de la ville centre dans la construction de la métropole fonctionnelle et institutionnelle
  • Il indique la reconfiguration spatiale et institutionnelle de l’entité ville sous l’impact de la métropolisation
  • Il souligne combien la dynamique sociale, culturelle et économique ne se limite pas au seul périmètre de la métropole institutionnelle

L’expression  « ville métropolitaine » présente l’intérêt de faire référence au processus de transition qui aurait permis de passer du statut de ville à celui de métropole.  Contrairement à la métropole du Minnesota où le rôle du gouverneur fut prépondérant, l’impulsion métropolitaine provient à Lyon des élus de la ville.  Lors des entretiens, la majorité des personnes ont précisé le rôle incontournable de la succession de maires (de la ville de Lyon) partageant une vision de ce que pourrait être une métropole s’inscrivant à l’échelle européenne et dans un monde globalisé. A Minneapolis St Paul c’est la figure de l’État fédéré qui a été mise en évidence, un état qui a  répondu à une mobilisation du milieu associatif, dont la Citizens League.

La Métropole de Lyon s’est dotée de réseaux économiques et culturels au niveau européen comme au niveau mondial.  Le maire de Lyon a présidé pendant plusieurs années l’association « Eurocités » qui représente un réseau de villes européennes fondées en 1986 à l’initiative de plusieurs villes dont Barcelone, Edinburgh et Lyon.  Eurocités a pour objectif de faciliter la circulation des idées et des modèles d’aménagement urbain au sein des villes européennes.

Aussi parler de la « ville métropolitaine » devient un moyen d’énoncer sur le mode explicite la dimension relationnelle (car historique) entre une ville centre, son territoire métropolitain et ses territoires adjacents.  La ville et sa métropole deviennent impliquées dans la complexité d’une gouvernance de systèmes territoriaux.  La reconnaissance politique de la métropole –comme l’autorise la loi-  ne pourrait être disjointe d’une reconnaissance de la richesse historique des territoires adjacents.  En d’autres termes l’impératif d’un lien relationnel entre la métropole et ses territoires adjacents ne se limiterait plus à la simple lecture de données relatives à la mobilité et aux réseaux techniques.

Faire référence à la richesse du territoire national à l’heure de la ‘transition métropolitaine’

 

Dire la « ville métropolitaine » c’est une manière de faire référence à la continuité historique de la ville tout en donnant à voir les mutations et les changements d’ordre économique, spatial, social et culturel qui participent de la « transition métropolitaine » (Ghorra-Gobin) sans pour autant oublier la richesse du territoire national.

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